J'aurai fait le plus beau des voyages possibles quand je serai de retour

"J'aurai fait le plus beau des voyages possibles quand je serai de retour" a un jour écrit Diderot. J'y adhère, maintenant que s'est joué mon propre retour de voyage.

Au retour, il y a les photos qu'on parcourt, les souvenirs qui - encore - nous animent, les images que l'on garde et les mots que l'on déploie. Mon retour, à moi, ça a été de m'accrocher. En rentrant, je me suis accrochée. Accrochée aux souvenirs palpables et à ceux que je n'ai pas su saisir. Ce sont eux les plus difficiles car autour d'eux, c'est la peur de l'oubli. Il s'agissait de garder Maurice au plus près de moi. Pour ne rien en oublier, pour que les moments passés ne tombent pas dans les abysses de ma mémoire. Ca n'a pas été une décision, je me suis observée le faire et j'y ai lu la crainte d'oublier, la crainte de ne plus savoir raconter et la crainte même de ne plus savoir du tout. Ne plus connaître la vie du pays, les actualités, les pratiques : le quotidien que ne disent ni mes photos ni les dépliants.

Parce qu'à Maurice, j'ai tant appris. À Maurice, j'ai appris la danse et j'ai appris l'eau. La délivrance et l'aisance. J'ai vécu mon corps et j'ai lâché l'esprit. Ca m'a pris quelques temps. Il a fallu les amis, les certitudes, la facilité d'une vie comblée. Et la danse de la vie (et des nuits) a pris sa place. J'ai découvert l'océan et je l'ai aimé. Avec lui, le sentiment d'être enfin à l'aise, moi qui l'avais redouté toutes ces années.

J'ai retrouvé dans mes notes des écrits en vrac que je voudrais reproduire ici, dans cet article qui signe la fin de mon voyage et par lequel je voudrais rendre à Maurice ce qu'elle m'a donné : un peu de bonheur, beaucoup de découvertes. Maurice j'ai voulu la conter, la célébrer, la chanter voire la danser. J'ai voulu la contenir en une mélodie d'adjectifs. La donner dans son plus bel apparat et ses vérités les plus tues. L'orner de mes mots, la suspendre dans mes clichés. J'ai longtemps réfléchi pour savoir comment je m'y prendrais, cherché à savoir comment la raconter. Incapable d'y parvenir depuis là-bas, le retour et les souvenirs qui l'entourent, sont le point final de ce récit. Place donc au vrac du voyage, dans des souvenirs qu'il ne me reste qu'en pensées et qu'en mots, les photos n'en ayant livré qu'un sensibilité nulle ou partielle.

De Maurice, je me souviens... Des receveurs bondissant du bus pour chercher à manger au coin de l'arrêt, mettant la faim aux lèvres des voyageurs affamés de 16h,

De Maurice, je me souviens... Des routes entre soleil et nuages, le vert éclatant des cannes, le bleu scintillant de l'océan. Des morceaux de paysages qui, un jour, me deviendront lointains. En attendant de mon portable ou de mon livre, je lève (levais) le nez et photographie (photographiais) ça de mes yeux encore ensommeillés,

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